Manuel sur les principes de sécurité OTAN, applicable aux stockages des Munitions et explosifs.
Document. AC/258-D/425 - 25 août 1992
Diffusion de l’AASTP-1

Document parvenu à Avigolfe, remis au ministère de la défense le 29 juin 2005, et authentifié le même jour par l’OTAN à la demande de France 3.

Ce document « explosif » n’a pas été classifié « secret défense », sans doute pace que ces quelques pages ne représentent qu’une partie d’un document beaucoup plus large concernant les précautions à prendre pour le stockage de l’ensemble des munitions et explosifs. Il a selon toute vraisemblance été diffusé aux responsables militaires et politiques des pays membres de l’OTAN, dont la France. Ceux-ci connaissent donc, par ce document comme par les études de leurs propres services, tous les dangers que représentent les armes à UA

 

Le document, dans son format original, est téléchargeable sur le site d'Avigolfe ou directement ici.

 

 

 

OTAN SANS CLASSIFICATION
-I I-8-1-

CHAPITRE 8- MUNITION A L’URANIUM APPAUVRI


Section I – Caractéristique de l’uranium appauvri (UA)


2.8.1.1. Généralité


La matière première à partir de laquelle est produit l’UA est l’uranium naturel, largement répandu dans la nature sous la forme de minerais à basse teneur d’oxydes d’uranium. L’uranium naturel se compose d’isotopes radioactifs, dans les proportions suivantes : U238 (99,3%), U235 (0,7%) et U234 (0,006%). L’uranium sert surtout dans l’industrie nucléaire comme combustible primaire pour les réacteurs ou comme source d’uranium enrichi en isotope U235 et destiné au combustible des réacteurs et aux armes nucléaires. Le sous-produit du processus d’enrichissement est l’UA, dans lequel le contenu en U235 est réduit au tiers environ de celui de l’uranium naturel. Il en résulte que l’UA n’est pas économique à utiliser comme combustible primaire pour les réacteurs, de même qu’il ne peut pas servir à amorcer la réaction en chaîne de la fission dans une arme nucléaire. Le terme « appauvri » signifie simplement que le contenue en U235 de l’uranium naturel a été réduit de façon artificielle. Pourtant, ce processus n’influence pas sensiblement le contenu radioactif du matériau. La radioactivité spécifique (radioactivité par masse unitaire) de l’UA est donc presque la même que celle de l’uranium naturel, c’est-à-dire environ 25 MBq/Kg (0,7 mCi/Kg).

2.8.1.2. Métal d’UA

Le métal d’UA sans alliage a le même aspect et les mêmes propriétés chimiques que le métal d’uranium naturel : il a une teinte argentée mate, lorsqu’il vient d’être préparé, mais sa surface s’oxyde rapidement à la température ambiante, pour former une pellicule d’oxyde bleu-noir. L’oxydation est plus rapide dans une atmosphère humide et l’uranium est rapidement corrodé par l’eau froide. Les acides dissolvent l’uranium, mais il est insensible aux alcalis. L’UA utilisé dans les munitions perforantes peut être allié avec d’autres métaux, ce qui améliore sa résistance à la corrosion et ses propriétés mécaniques. L’aspect de l’alliage, sous la forme de métal massif, ne différera probablement pas beaucoup de celui de l’UA pur, mais il est possible qu’il ne se forme pas une pellicule d’oxyde foncée.

2.8.1.3. Caractéristiques de combustion

a) A la température ambiante, la couche d’oxyde adhère mais est perméable : elle n’arrête pas la lente poursuite de l’oxydation et n’empêche pas non plus la combustion, lorsque le métal est exposé à une source de chaleur ; la couche d’oxyde formée pendant la combustion se désintègre continuellement et permet à l’air frais d’entrer en contact avec le métal. Lorsqu’il est chauffé et qu’il se trouve dans une quantité d’air ambiant non limitée, l’UA brûle rapidement ; aux températures intermédiaires, par exemple entre 300 et 600°C, il forme un oxyde noir, l’UO2 et, aux températures élevées, c’est-à-dire au-dessus de 700°C, il brûle avec éclat pour donner U308 brun foncé-noir.

b) Sous forme massive, c’est-à-dire avec un rapport superficie-masse peu élevé, le métal d’UA est normalement incapable de brûler à l’air de façon auto-entretenue sans application permanente de chaleur provenant d’une source extérieur. Si la température de la masse de métal est augmentée par une telle application de chaleur de l’extérieur, elle atteint un point où la réaction s’accélère rapidement et l’on assiste alors à une combustion auto-entretenue, c’est-à-dire à une inflammation. La température d’inflammation est celle de la masse de métal et elle dépend d’un équilibre entre les pertes et le gain de chaleur. Les pertes sont dues aux processus normaux de transport de chaleur, à la convection, à la conduction et au rayonnement ; le gain provient de la réaction exothermique. Ainsi, dans le cas d’un incendie impliquant des munitions à l’UA, la température extérieure à laquelle se produira l’inflammation dépend de divers facteurs, y compris le rapport superficie-masse des différents dispositifs de pénétration, le degré d’apport d’oxygène, les effets des configurations particulières d’emballage et d’empilage sur les mécanismes de transport de chaleur, la composition de l’alliage, etc.

c) Si, après le début de l’inflation, l’uranium fond et que le métal en fusion se disloque, par exemple en s’écoulant ou en tombant goutte à goutte d’un conteneur, le rapport superficie-masse augmentera fortement, ce qui se traduira par une combustion encore plus rapide. La combustion de gouttelettes d’uranium en fusion s’accompagne d’un jaillissement d’étincelles et de projections permettant à une plus grande partie de la masse de métal de se transformer en une fine vapeur ou une fine poussière d’oxyde, qui en cas d’inhalation, risqueront davantage de pénétrer et de se fixer dans les poumons. Le métal d’uranium en fusion pourrait perforer rapidement un conteneur métallique par la formation d’alliages aux points de fusion peu élevés.

2.8.1.4. Caractéristiques de rayonnement

a) Le rayonnement émis par l’UA comprend des particules alpha et bêta et des rayons gamma et X. L’UA n’ayant qu’une faible radioactivité, l’intensité du rayonnement qu’il émet ne présente pas de risques importants pour la santé du personnel affecté au stockage et à la manipulation des munitions à l’UA. C’est néanmoins un principe accepté au niveau international que l’on doit éviter toute exposition inutile au rayonnement, aussi infime que soit le risque escompté d’effets néfastes sur la santé. Dans le cas des munitions à l’UA, qui ne sont que légèrement radioactives, ce principe peut se traduire par l’application de mesures préventives relativement simples.

b) L’exposition externe potentielle des personnes au rayonnement de l’UA se limite au rayonnement bêta, X et gamma. Le rayonnement alpha n’effectue qu’un parcours très réduit dans la matière (par exemple, quelques centimètres dans l’air) et ne peut pas pénétrer dans la couche extérieure insensible de la peau humaine. Le rayonnement bêta pénètre d’avantage que le rayonnement alpha, mais moins que les rayons X et gamma. Les particules alpha ne peuvent être émises que par la surface du métal d’UA puisque le métal lui-même absorbe les particules alpha provenant de profondeurs supérieures à quelques microns. Le même effet d’autoblindage se produit avec le rayonnement bêta, mais dans une moindre mesure. L’autoabsorption des rayons X et gamma est moindre et, dans le cas des petites pièces de métal, il se peut qu’elle n’entraîne pas de réduction importante de l’émission.

c) Il résulte des différences du pouvoir de pénétration des divers rayonnements émis par l’UA que de champ de rayonnement, à proximité d’une pile de munitions à l’UA, ne dépend pas seulement de l’espacement, de la taille et de la forme réels des munitions à L’UA et des autres matériaux présents dans la pille. Tout matériau d’emballage éliminera le rayonnement bêta externe à l’emballage ou à la pile. Les seules conditions dans lesquelles il est possible d’être personnellement exposé au rayonnement bêta sont celles où la peau découverte se trouve à une distance de moins d’un mètre de l’UA à nu, par exemple en cas de manipulation de l’UA à nu sans gants. En raison du caractère plus pénétrant des rayons X et gamma, ces rayonnements existeront toujours à proximité des munitions à l’UA, mais probablement à des niveaux qui ne dépasseront pas le décuple du rayonnement naturel

Section III – Conséquences des accidents


2.8.3.1 Incendie ou explosion accidentels

L’UA ne peut avoir des effets nuisibles à la santé, dus au rayonnement alpha à parcours réduit ou à la toxicité chimique, que s’il pénètre dans l’organisme par inhalation ou ingestion. Ces formes d’absorption pourraient résulter d’un incendie ou d’une explosion accidentelle impliquant des munitions à l’UA oxydé peut se disperser dans l’atmosphère. Il pourrait y avoir des effets radiologiques ou toxicologiques sur les tissus humains lorsque les personnes inhalent la fumée chargée d’oxyde d’UA qui se dégage pendant l’incident.

2.8.3.2. Résidus d’un incendie ou d’une explosion accidentels

Il est également possible que l’oxyde d’UA pulvérulent subsistant sur le lieu de l’incendie avec les cendres des autres matériaux impliqués soit remué par des agents naturels ou humains, comme le vent ou la circulation. La nouvelle contamination qui en résulterait pour l’atmosphère à proximité immédiate du lieu de l’accident pourrait donc constituer un risque à retardement d’exposition par inhalation. Le même effet pourrait se produire bien que dans une moindre mesure, avec les macroparticules, plus largement répandues, qui se sont déposées sur (le sol) ou ont été absorbées par des surfaces, à mesure que le nuage primitif de fumée et de poussière était déplacé par le vent. Ce mécanisme d’exposition indirecte, connu sous le nom de resuspension, créerait donc des effets persistants à long terme si aucune mesure n’était prise pour supprimer cette contamination résiduelle. Toutefois, les effets dus à cette cause seront probablement encore moindres que ceux qu’il faudra potentiellement subir en raison du panache de fumée émis pendant l’accident proprement dit.

2.8.3.3. Métal d’UA couvant sous la cendre

Une troisième façon d’être exposé en inhalant de l’UA pourrait tenir à la présence d’éclats de métal d’UA enterrés dans les débris et continuant à couver sous la cendre, si l’incendie n’a pas été correctement éteint. La fumée d’oxyde d’UA ainsi formée renfermerait des particules extrêmement petites, se présentant sous une forme capable de pénétrer dans les poumons et de s’y fixer. Bien que le taux fractionnaire de conversion de la masse du métal d’UA en fumée d’oxyde soit préalablement moins élevé que pendant l’incendie ou l’explosion précédents, ces particules peuvent néanmoins constituer un risque non négligeable d’exposition pour le personnel concerné par les opérations de récupération sur le lieu de l’accident.

2.8.3.4. Plantes et bétail en pâture

Un dépôt important de poussière d’uranium, de l’ordre de quelques g/m_, peut avoir un effet toxique sur les plantes et sur le bétail en pâture. Le dépôt d’UA pourrait alors finir par être ingéré par l’homme, si la consommation se met dans la chaîne alimentaire. L’absorption fractionnaire des oxydes d’UA dans les intestins humains représente moins d’1 % de la quantité ingérée, et il y a dès lors très peu de chances que des personnes subissent une irradiation ou des effets toxiques importants par cette voie, surtout parce que l’on pourrait facilement empêcher de vendre et de consommer les produits – peu nombreux – susceptibles d’être contaminés.

2.8.3.5 Installations de stockage

Les installations de stockage des munitions à l’UA se trouveront normalement dans les sites militaires contrôlés, suffisamment éloignés du point le plus proche où le public a accès pour que les effets escomptés des explosions, de l’inhalation et de la contamination de la surface soient acceptables. Toute contamination accidentelle nécessitant des mesures de réparations devrait donc se limiter à des zones sous contrôle militaire, et les restrictions à imposer à l’accès pendant l’exécution de ces mesures ne perturberaient dès lors pas de façon sensible la vie publique normale.


Section IV – Effets de l’exposition interne

2.8.4.1. Ingestion

L'UA peut pénétrer dans le corps humain par inhalation, par ingestion ou par des blessures contaminées par l'UA. Il est probable que ces deux dernières voies ne seront importantes que si l’uranium se présente sous la forme d’un composé soluble, auquel cas l’effet de toxicité chimique l’emportera sur l’effet radiologique. On considère généralement que la dose mortelle dans le sang humain est d’environ 70 mg. L’exposition chronique par ingestion répétée aura des effets négligeables si l’absorption quotidienne de composés d’uranium soluble par voie orale se limite à un maximum de 0.3 mg. Comme le métal d’UA est relativement insoluble et que des composés hautement solubles ne se formeront probablement pas dans le cas de tout accident imaginable, l’ingestion ne constitue pas une forme d’exposition vraisemblable dans le contexte du stockage des munitions à l’UA.

2.8.4.2 Inhalation

La nature des effets dus à l’inhalation dépend de la forme chimique et physique de l’UA. L’inhalation de formes d’uranium insolubles dans les liquides organiques peut créer un état où l’effet radiologique l’emporte sur l’effet de toxicité chimique. Cet état est dû à l’effet potentiellement nuisible du rayonnement alpha sur les tissus pulmonaires. Pour un matériau très faiblement radioactif comme l’UA, un effet intense est très improbable, même en cas d’inhalation de quantités qui auraient un effet nocif sur la fonction respiratoire, en raison du simple volume de poussière absorbé. L’effet à long terme se traduit par une probabilité extrêmement faible, mais qu’il ne faut pas tout à fait négliger, de cancer latent du poumon, qui pourrait ne se manifester que de dix à trente ans après l’absorption. Si une forme d’uranium hautement soluble était inhalée, elle serait véhiculée par les liquides organiques, pour passer des poumons aux autres organes de corps. Dans ce cas, les organes le plus probablement affectés seraient les reins, qui subiraient avant tout les effets de la toxicité chimique plutôt que les dégâts de l’irradiation. Ces effets se traduiraient par une protéinurie, c'est-à-dire une diminution temporaire des fonctions rénales. Il est probable qu’en cas d’incendie ou d’explosion impliquant des munitions à l’UA, il se dégage une fumée d’oxyde d’uranium et que celle-ci, lorsqu’elle est inhalée, agisse davantage comme une forme insoluble dans les liquides pulmonaires.

2.8.4.3. Critères d’exposition interne

Quand on établit un projet, la capacité, la conception structurale et l’emplacement des installations de stockage d’UA devraient dépendre de l’importance présumée de la dispersion de la contamination à l’UA en cas d’accident, et ce, en plus des critères normaux (par exemple, distances de sécurité) qui s’appliquent au stockage des explosifs militaires. Ce sont les services nationaux compétents qui déterminent les critères de contrôle de l’exposition interne aux effets radiologiques et aux effets de la toxicité chimique de l’UA. Dans le contexte de la dispersion de l’UA dans l’atmosphère, le critère le plus important est celui qui limite l’absorption par inhalation. Celle-ci devrait être fixée à un niveau tel que les dangers pour la population du contenu d’UA des munitions ne soient pas supérieurs à ceux qui sont liés à leur contenu explosif, et aussi bas qu’il est raisonnablement possible de le fixer. En raison de la grande diversité des circonstances possibles des accidents, y compris les conditions météorologiques, qui influencent le taux de dilution lorsque la fumée et la poussière se dispersent dans l’atmosphère, il n’est pas possible de préconiser des formules simples généralisées pour établir un rapport entre les effets de la dispersion et la quantité d’UA impliquée, c'est-à-dire des formules analogues à celles qui permettent de calculer la distance de sécurité pour les explosifs. Il est dès lors nécessaire de prévoir les réactions de tous les types de munitions à l’UA concernés, afin de choisir les conditions appropriées pour les stocker en sécurité.


Section V – Isolement des munitions à l’uranium appauvri

2.8.5.1. UA seul

Si l’UA n’est associé à aucun explosif, par exemple s’il consiste uniquement en noyaux perforants sans agents propulseurs, et qu’il est impliqué dans un incendie, le seul risque potentiel sera celui de sa dispersion dans l’atmosphère. Il subsistera une contamination de la surface après l’extinction de l’incendie, mais la zone concernée sera peu étendue.

2.8.5.2. UA et agents propulseurs

La présence d’agents propulseurs introduirait un risque potentiel, dû aux agents propulseurs eux-mêmes, mais aggraverait également la dispersion de l’UA en provoquant un incendie plus important.

2.8.5.3. UA et autres munitions

Stocker dans une même pile ou dans un même magasin des munitions à l’UA et d’autres types de munitions, surtout celles qui sont capables de provoquer des explosions en masse, augmenteraient le risque de dispersion de l’UA en cas d’accident, dans un bien plus grande mesure, pour les raisons suivantes. Le taux de conversion de l’UA métallique en oxyde, sous la forme de particules d’un format potentiellement respirable (c'est-à-dire très petites), est bien plus important (de 10 à 1 000 fois) en cas d’explosion qu’en cas d’incendie. En outre, des éclats d’UA en feu peuvent être projetés à des distances considérables, créant des sources secondaires de fumée d’UA et de contamination de la surface.

2.8.5.4. Principes d’isolement

De ce qui précède il ressort clairement que le stockage séparé de l’UA et des composants explosifs des munitions, ou du moins le stockage séparé des munitions à l’UA et des autres types des munitions doit être considéré comme présentant des avantages indiscutables au plan de la sécurité et devrait être adopté chaque fois que c’est possible.