LOI n°91-1381 du 30 décembre 1991
relative aux
recherches sur la gestion des déchets radioactifs (1)
NOR
: INDX9100071L
L'Assemblée nationale et le Sénat ont
adopté,
Le Président de la République promulgue la
loi dont la teneur suit :
Art.
1er. - La gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue doit être assurée dans le
respect de la protection de la nature, de l'environnement et de la
santé, en prenant en considération les droits des
générations futures.
Art.
2. - Il est inséré, après l'article 3 de la loi n°
76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la
protection de l'environnement, un article 3-1 ainsi rédigé :
"Art.
2-1. - Le stockage souterrain en couches géologiques profondes de
produits dangereux, de quelque nature qu'ils soient, est soumis à
autorisation administrative. Cette autorisation ne peut être
accordée ou prolongée que pour une durée limitée et
peut, en conséquence prévoir les conditions de
réversibilité du stockage. Les produits doivent être
retirés à l'expiration de l'autorisation. "Les conditions et
garanties selon lesquelles certaines autorisations peuvent être
accordées ou prolongées pour une durée illimitée,
par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent,
seront définies dans une loi ultérieure."
Art.
3. - Le stockage en France de déchets radioactifs importés,
même si leur retraitement a été effectué sur le
territoire national, est interdit au-delà des délais techniques
imposés par le retraitement.
Art.
4. - Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport
faisant état de l'avancement des recherches sur la gestion des
déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue et des travaux qui sont menés simultanément pour :
- la
recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des
éléments radioactifs à vie longue présents dans ces
déchets ;
- l'étude
des possibilités de stockage réversible ou irréversible
dans les formations géologiques profondes, notamment grâce
à la réalisation de
laboratoires souterrains ;
- l'étude de
procédés de conditionnement et d'entreposage de longue
durée en surface de ces déchets.
Ce
rapport fait également état des recherches et des
réalisations effectuées à l'étranger.
A
l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à
compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera
au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches
accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant,
la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs
à haute activité et à vie longue et fixant le
régime des servitudes et des sujétions afférentes à
ce centre.
Le
Parlement saisit de ces rapports l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques.
Ces
rapports sont rendus publics.
Ils sont établis par une commission nationale d'évaluation, composée de :
- six
personnalités qualifiées, dont au moins deux experts
internationaux, désignées, à parité, par
l'Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques ;
- deux personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, sur proposition du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires ;
- quatre experts
scientifiques désignés par le Gouvernement, sur proposition de
l'Académie des sciences.
Art.
5. - Les conditions dans lesquelles sont mis en place et exploités les
laboratoires souterrains destinés à étudier les formations
géologiques profondes où seraient susceptibles d'être stockés
ou entreposés les déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue sont déterminées par les
articles 6 à 12 ci-dessous.
Art.
6. - Tout projet d'installation d'un laboratoire souterrain donne lieu, avant
tout engagement des travaux de recherche préliminaires, à une
concertation avec les élus et les populations des sites
concernés, dans des conditions fixées par décret.
Art.
7. - Les travaux de recherche préalables à l'installation des
laboratoires sont exécutés dans les conditions prévues par
la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la
propriété privée par l'exécution des travaux
publics.
Art.
8. - Sans préjudice de l'application de la loi n° 76-663 du 19
juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de
l'environnement, l'installation et l'exploitation d'un laboratoire souterrain
sont subordonnées à une autorisation accordée par
décret en Conseil d'Etat, après étude d'impact, avis des
conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils
régionaux intéressés et après enquête
publique organisée selon les modalités prévues par la loi
n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation
des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement.
Cette
autorisation est assortie d'un cahier des charges.
Le
demandeur d'une telle autorisation doit posséder les capacités
techniques et financières nécessaires pour mener à bien de
telles opérations.
Art.
9. - L'autorisation confère à son titulaire, à
l'intérieur d'un périmètre défini par le
décret constitutif, le droit exclusif de procéder à des
travaux en surface et en sous-sol et celui de disposer des matériaux
extraits à l'occasion de ces travaux.
Les
propriétaires des terrains situés à l'intérieur de
ce périmètre sont indemnisés soit par accord amiable avec
le titulaire de l'autorisation, soit comme en matière d'expropriation.
Il
peut être procédé, au profit du titulaire de
l'autorisation, à l'expropriation pour cause d'utilité publique
de tout ou partie de ces terrains.
Art.
10. - Le décret d'autorisation institue en outre, à
l'extérieur du périmètre mentionné à
l'article précédent, un périmètre de protection
dans lequel l'autorité administrative peut interdire ou réglementer
les travaux ou les activités qui seraient de nature à
compromettre, sur le plan technique, l'installation ou le fonctionnement du
laboratoire.
Art.
11. - Des sources radioactives peuvent être temporairement
utilisées dans ces laboratoires souterrains en vue de
l'expérimentation.
Dans
ces laboratoires, l'entreposage ou le stockage des déchets radioactifs
est interdit.
Art.
12. - Un groupement d'intérêt public peut être
constitué, dans les conditions prévues par l'article 21 de la loi
n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la
recherche et le développement technologique de la France, en vue de
mener des actions d'accompagnement et de gérer des équipements de
nature à favoriser et à faciliter l'installation et l'exploitation
de chaque laboratoire.
Outre
l'Etat et le titulaire de l'autorisation prévue à l'article 8, la
région et le département où est situé le puits
principal d'accès au laboratoire, les communes dont une partie du
territoire est à moins de dix kilomètres de ce puits, ainsi que
tout organisme de coopération intercommunale dont l'objectif est de
favoriser le développement économique de la zone
concernée, peuvent adhérer de plein droit à ce groupement.
Art.
13. - Il est créé, sous le nom d'Agence nationale pour la gestion
des déchets radioactifs, un établissement public industriel et
commercial, placé sous la tutelle des ministres de l'industrie, de la
recherche et de l'environnement.
Cette agence est chargée
des opérations de gestion à long terme des déchets
radioactifs, et notamment :
- en
coopération notamment avec le Commissariat à l'énergie
atomique, de participer à la définition et de contribuer aux
programmes de recherche et de développement concernant la gestion
à long terme des déchets radioactifs ;
- d'assurer la
gestion des centres de stockage à long terme soit directement, soit par
l'intermédiaire de tiers agissant pour son compte ;
- de
concevoir, d'implanter et de réaliser les nouveaux centresde stockage
compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion des
déchets et d'effectuer toutes études nécessaires à
cette fin, notamment la réalisation et l'exploitation de laboratoires
souterrains destinés à l'étude des formations
géologiques profondes ;
- de
définir, en conformité avec les règles de
sûreté, des spécifications de conditionnement et de
stockage des déchets radioactifs ;
- de
répertorier l'état et la localisation de tous les déchets
radioactifs se trouvant sur le territoire national.
Art.
14. - Il est créé, sur le site de chaque laboratoire souterrain,
un comité local d'information et de suivi.
Ce
comité comprend notamment des représentants de l'Etat, deux
députés et deux sénateurs désignés par leur
assemblée respective, des élus des collectivités territoriales
consultées à l'occasion de l'enquête publique, des membres
des associations de protection de l'environnement, des syndicats agricoles, des
représentants des organisations professionnelles et des
représentants des personnels liés au site ainsi que le titulaire
de l'autorisation.
Ce
comité est composé pour moitié au moins d'élus des
collectivités territoriales consultées à l'occasion de
l'enquête publique. Il est présidé par le préfet du
département où est implanté le laboratoire.
Le
comité se réunit au moins deux fois par an. Il est informé
des objectifs du programme, de la nature des travaux et des résultats
obtenus. Il peut saisir la commission nationale d'évaluation
visée à l'article 4.
Le
comité est consulté sur toutes questions relatives au fonctionnement
du laboratoire ayant des incidences sur l'environnement et le voisinage. Il
peut faire procéder à des auditions ou des contre-expertises par
des laboratoires agréés.
Les
frais d'établissement et le fonctionnement du comité local
d'information et de suivi sont pris en charge par le groupement prévu
par l'article 12.
Art.
15. - Un décret en Conseil d'Etat fixe en tant que de besoin les
modalités d'application de la présente loi.
La
présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait
à Paris, le 30 décembre 1991.
FRANÇOIS MITTERRAND
Par le Président de la
République :
Le Premier ministre,
EDITH CRESSON
Le ministre d'Etat, ministre
de l'économie, des finances et du budget,
PIERRE BEREGOVOY
Le ministre d'Etat, ministre
de la fonction publique et de la modernisation de l'administration,
JEAN-PIERRE SOISSON
Le ministre de la recherche
et de la technologie,
HUBERT CURIEN
Le ministre de
l'environnement
BRICE LALONDE
Le ministre
délégué au budget
MICHEL CHARASSE
Le ministre
délégué à l'industrie et au commerce
extérieur,
DOMINIQUE STRAUSS-KAHN
(1)
Travaux préparatoires : loi n° 91 - 1381.
Assemblée
nationale :
Projet
de loi n° 2049 ;
Rapport
de M. Christian Bataille, au nom de la commission de la production, n° 2115
;
Discussion
les 25 et 27 juin 1991 et adoption le 27 juin 1991.
Sénat
:
Projet
de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 413 (1990 -
1991) ;
Rapport
de M. Henri Revol, au nom de la commission des affaires économiques,
n° 58 (1991 - 1992)
Discussion
et adoption le 6 novembre 1991.
Assemblée
nationale :
Projet
de loi, modifié par le Sénat, n° 2319 ;
Rapport
de M. Christian Bataille, au nom de la commission de la production, n° 2331
;
Discussion
et adoption le 25 novembre 1991.
Sénat
:
Projet
de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, n° 110
(1991
- 1992) ;
Rapport
de M. Henri Revol, au nom de la commission des affaires économiques,
n° 127 (1991 - 1992)
Discussion
et adoption le 11 décembre 1991.
Assemblée
nationale :
Projet
de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, n°
2450 ;
Rapport
de M. Christian Bataille, au nom de la commission mixte paritaire, n° 2464
Discussion
et adoption le 17 décembre 1991.
Sénat :
Projet
de loi, adopté par l'Assemblée nationale ;
Rapport
de M. Henri Revol, au nom de la commission mixte paritaire, n° 169 (1991 -
1992) ;
Discussion
et adoption le 18 décembre 1991.
Décret
n°99-687 du 3 août 1999
portant application de
du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs
NOR
: ECO19900402D
Le Premier ministre,
Sur
le rapport du ministre de l économie, des finances et de
l industrie et de la ministre de l aménagement du territoire
et de l environnement,
Vu
la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la
propriété privé par l exécution de travaux
publics ;
Vu
la loi n°91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la
gestion des déchets radioactifs, notamment l article 6 ;
Après
avis du Conseil d Etat (section travaux publics),
Décrète :
Art.
1er. - Une mission collégiale de trois personnes, choisies en
raison de leur compétence et désignées par
arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie et du secrétaire d'Etat à l'industrie, est
chargée de mener la concertation préalable au choix d'un ou
plusieurs sites granitiques sur lesquels des travaux préliminaires
à la réalisation d'un laboratoire souterrain pourraient
être menés.
Elle procède à
toutes les consultations utiles auprès des élus, des associations
et des populations concernées, à qui elle présente
l'économie de l'ensemble du projet, et notamment les objectifs du
programme de recherches, son intégration dans la politique de gestion des
déchets radioactifs, les nuisances potentielles des travaux
préalables à sa réalisation et les moyens mis en
Suvre afin de les pallier.
Elle fait part des observations
recueillies dans un rapport aux ministres chargés de l'environnement, de
l'énergie et de la recherche.
La Commission nationale
d'évaluation, instituée par l article 4 de la loi n°
91-1381 du 30 décembre 1991 susvisée, est consultée sur
l'ensemble des travaux scientifiques réalisés dans le cadre de
cette concertation.
Art. 2. - L'Agence nationale pour
la gestion des déchets radioactifs ne peut engager les travaux de
recherche préalables mentionnés à l'article 7 de la loi du
30 décembre 1991 susvisée, qui comprennent notamment des
études géologiques et géophysiques et des forages,
qu'après le dépôt du rapport de la mission.
Art. 3. - Le décret n°
92-1311 du 17 décembre 1992 est abrogé.
Art. 4. - Le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de
l'aménagement du territoire et de l environnement et le
Secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce
qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui
sera publié au Journal officiel de la République
française.
Fait à Paris, le 3 août 1999.
Lionel JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre de
l'économie, des finances et de l industrie,
Dominique STRAUSS-KAHN
La ministre de
l aménagement du territoire et de l environnement
Dominique VOYNET
Le secrétaire
d Etat à l industrie
CHRISTIAN PIERRET
NOR
: ECO19900473A
Par arrêté du ministre de l éducation nationale, de la recherche et de la technologie, du ministre de l économie, des finances et de l industrie, de la ministre de l aménagement du territoire et de l environnement et du secrétaire d Etat à l industrie en date du 19 novembre 1999, sont désignés membres de la mission de concertation chargée de mener la concertation préalable au choix d un ou plusieurs sites granitiques sur lesquels des travaux préliminaires à la réalisation d un laboratoire souterrain pourraient être menés :
M. Boisson (Pierre) ;
M. Huet (Philippe) ;
M. Mingasson (Jean).
Le ministre de
l'éduction nationale, de la recherche et de la technologie,
CLAUDE ALLEGRE
Le ministre de
l'économie, des finances et de l industrie,
CHRISTIAN SAUTTER
La ministre de
l aménagement du territoire et de l environnement
Dominique VOYNET
Le secrétaire
d Etat à l industrie
CHRISTIAN PIERRET